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Bien immobilier acheté en commun : fonctionnement et sortie de l'indivision

En matière immobilière, devenir propriétaire en indivision d’un ou plusieurs bien(s) n’est pas rare : il s’agit d’une situation fréquente résultant souvent d’un achat par des concubins ou encore d’un héritage entre frères et sœurs.

L’indivision, avant d’être un concept juridique réglementé par des dispositions, est donc une situation concrète qu’il est primordial de comprendre afin de mieux en organiser l’existence et l’extinction.

Dans une logique de prévention des conflits avec les autres propriétaires en indivision, il est important de connaître les modalités de gestion et de conservation du bien en indivision, qui représentent une grande partie des litiges.

Surtout, il est important de connaître les différents moyens pour mettre fin à la situation d’indivision, que ce soit d’un accord commun ou devant un tribunal, ce qui permet d’éviter la partie la plus importante des litiges liés à cette situation : la sortie de l’indivision par un de ses membres.

Mais concrètement, quels sont vos droits en tant qu’indivisaire ? Comment se déroule la gestion d’un bien en indivision ?

De quelle manière peut se dérouler la fin d’une situation d’indivision ? Et en cas de désaccord entre les indivisaires, comment saisir le tribunal pour ne pas rester indéfiniment dans l’indivision ?

Cet article revient sur le mécanisme de l’indivision, sa gestion et la sortie de la situation d’indivision en vous apportant des réponses concrètes.

L’indivision : concrètement, c’est quoi ?

L’indivision est une situation juridique par laquelle plusieurs personnes entrent en possession de droits de même nature sur un même bien.

En réalité, les particuliers deviennent propriétaires en indivision d’un bien en majorité dans trois cas de figure :

  • lors d’une succession,
  • à la dissolution d’un régime matrimonial,
  • lors de l’achat d’un bien à plusieurs.

Chaque individu va alors posséder, de manière abstraite, une quote-part sur le bien, qui ne sera fixée matériellement qu’au moment de l’opération de partage mettant fin à la situation d’indivision.

Par exemple, un frère et une sœur souhaitent acheter une villa au bord de la mer dont le prix total dépasse leur capacité individuelle d’emprunt, le recours à l’achat en indivision leur permet de financer chacun une part de la villa à hauteur de leurs ressources, et ils deviennent de ce fait chacun propriétaires d’une quote-part dont le pourcentage correspond à leur participation au prix du bien. Ils financent par exemple chacun 50 % pour l’achat et sont donc chacun propriétaire de 50 % de la maison.

Il faut savoir que l'indivision possède deux caractères principaux, qui connaissent eux-mêmes leurs limites.

Tout d’abord, elle est par nature provisoire : en effet, chaque indivisaire est toujours en droit de demander le partage du bien puisque : « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision » (article 815 du Code civil).

A noter toutefois que le caractère provisoire de l’indivision peut être écarté :

  • soit par un maintien conventionnel de l’indivision ne pouvant excéder cinq ans,
  • soit par différents maintiens judiciaires notamment le sursis au partage qui consiste à reporter un partage qui pourrait porter atteinte à la valeur du bien en indivision. A titre d’illustration du sursis au partage, en Mars 2020, le frère indivisaire connaît quelques difficultés financières et souhaite procéder au partage de la villa par une vente, mais sa sœur s’y oppose, arguant que le prix de vente sera bien inférieur à la valeur réelle car en raison d’une pandémie mondiale et d’un confinement, il risque d’y avoir un nombre restreint de personnes enclines à faire des visites et des offres.. La solution sera de demander un sursis au partage pour attendre un moment plus propice à la vente.

Ensuite, l’indivision peut être maintenue par attribution éliminatoire, qui nécessite d’être au moins trois personnes possédant des droits sur le même bien, car cela consiste en l’attribution  (onéreuse) par le juge de la quote-part de l’indivisaire demandant le partage aux autres, permettant ainsi la survie de l’indivision.

Par ailleurs, l’indivision possède un caractère désorganisé : il n’est pas nécessaire de la structurer par des contrats ou des conventions entre les indivisaires, mais il n’est pas interdit d’y avoir recours et naturellement la régularisation d’une convention d’indivision est le meilleur moyen de prévenir les contentieux liés aux actes courants comme l’entretien, la taxe d’habitation…

Enfin, il est important de noter que le ou les bien(s) possédé(s) en indivision forment une masse indivise, composée :

  • d’un actif (les biens composants l’indivision, les éventuels biens subrogés aux biens indivis et les fruits/revenus produits par le bien indivis),
  • d’un passif (les dettes existantes à la constitution de l’indivision ainsi que les frais de conservation ou de gestion des biens indivis).

De quels droits dispose-t-on en tant qu’indivisaire ?

Tout d’abord, sur la masse indivise, chaque indivisaire est titulaire d’un droit d’usage : c’est-à-dire le droit d’user du bien, droit qui doit être compatible avec la destination de la chose et les droits des autres propriétaires indivis.

A ce titre, il faut savoir que si l’un des propriétaires indivis jouit privativement de la chose, il sera alors redevable d’une indemnité (article 815-9 du Code civil) à l’indivision , sauf si une convention stipule le contraire.

Si le frère et la soeur ont décidé d’acheter la villa afin de la louer et de s’en partager les bénéfices mais que finalement le frère décide d’habiter dans la villa car son entreprise lui propose de télétravailler, il sera alors redevable d’une indemnité à l’indivision car il jouit privativement d’un bien qu’il ne possède pas entièrement. Cette indemnité réparera le préjudice causé à l’indivision par la perte des fruits et revenus du fait de la jouissance exclusive du bien par le frère.

A noter qu’il est toujours possible de demander au juge, lorsqu’il y a un désaccord entre les indivisaires sur l'exercice de leurs droits d'usage et de jouissance respectifs sur les biens indivis, de régler provisoirement l'exercice de ces droits.

Par ailleurs, chaque indivisaire à des droits individuels exclusifs sur sa quote-part, il peut librement en disposer, c’est à dire la vendre, la donner ou encore l’hypothéquer. Mais en cas de cession de la quote-part, les autres indivisaires possèdent aussi des droits.

En premier lieu, les indivisaires possèdent un droit de préemption lors de la cession d’une quote-part, c’est à dire que l’indivisaire cédant est tenu de notifier par acte extrajudiciaire aux autres indivisaires le prix et les conditions de la cession projetée ainsi que les nom, domicile et profession de la personne qui se propose d’acquérir et que les autres indivisaires ont la priorité sur le rachat de la quote-part.

En second lieu, les indivisaires possèdent un droit de substitution, en cas de vente aux enchères de tout ou d’une partie des droits d'un indivisaire dans les biens indivis, l'avocat ou le notaire doit en informer les indivisaires un mois avant la date prévue pour la vente etchaqueindivisaire peut se substituer à l'acquéreur dans un délai d'un mois à compter de la vente, par déclaration au greffe ou auprès du notaire.

Le frère propriétaire de la villa en indivision doit retourner au travail en présentiel suite à des directives de son entreprise, ne désirant plus posséder de quote-part sur la villa mais préférant la revendre à de ses amis qui souhaite récupérer sa quote-part et habiter dans la villa car il a lancé son entreprise et travaille d’où il veut. Mais la sœur du propriétaire indivis, qui a eu une augmentation salariale, peut désormais payer la villa dans son ensemble et souhaite racheter la quote-part de son frère :elle pourra donc exercer son droit de préemption en rachetant la quote-part au prix que son frère proposait à son ami puisqu’elle a la priorité.

Comment se déroulent la gestion et l’entretien d’un bien en indivision ?

Afin de comprendre le fonctionnement de la gestion d’un bien indivis, il convient de distinguer deux types d’actes.

Tout d’abord, il y a les actes conservatoires.

Les actes conservatoires se définissaient auparavant comme des actes matériels ou juridiques s’entendant comme des mesures nécessaires ayant pour objet de sauver le bien indivis d’un péril grave et imminent.

Toutefois, la nouvelle rédaction de l’article 815-2 du Code civil vient retirer le critère du « péril grave et imminent ».

Il s'agit en résumé des initiatives nécessaires ou utiles à la préservation du bien indivis. 

Concrètement, il peut s’agir d’actes matériels (tels que des travaux de réparation) ou encore d’actes juridiques (comme la souscription d'un contrat d'assurance incendie d'un immeuble ou encore une action en justice visant à la conservation du bien comme une action en revendication d'une servitude ou encore une action tendant à l’expulsion d’occupants sans droit ni titre du bien immobilier).

Pour ces actes, tous les indivisaires peuvent prendre des mesures nécessaires à la conservation du bien, même sans caractère urgent, dont le coût sera supporté par l’ensemble des indivisaires (article 815-2 du Code civil).

L'indivisaire pourra pour ce faire utiliser les fonds indivis dont il a la libre disposition pour accomplir des actes conservatoires (s’il y a un compte de l’indivision par exemple) et il sera réputé à l'égard de celui à qui il les verse en avoir la libre disposition.

S'il ne dispose pas de fonds, il pourra les avancer et disposera d'une créance sur l'indivision.

S'il ne souhaite pas les avancer, il pourra même obliger, en passant par le tribunal, ses coïndivisaires à faire avec lui les dépenses nécessaires.

Dans tous les cas, le remboursement sera calculé comme le pourcentage de la dépense correspondant au pourcentage du bien en indivision possédé par le débiteur.

Dans notre exemple, lors d’une visite à la villa, la sœur s’aperçoit qu’une poutre supportant une grande partie du plafond à pourrie suite à des infiltrations d’eau et doit être changée sous peu, sinon une partie de la structure du toit pourrait être fragilisée. Même si c’est elle qui découvre le défaut et fait les démarches auprès d’un réparateur, son frère co-indivisaire devra payer la partie de la facture correspondant à sa quote-part.

S’agissant ensuite des actes d’administration ou de gestion, ils vont nécessiter l’accord des deux tiers des droits indivis.

Il s'agit des actes de gestion normale qui conservent la valeur d'un bien et le font fructifier. 

Concrètement, cela va être la conclusion ou le renouvellement du bail sur le bien immobilier ou encore le congé donné au locataire.

Pour ces actes, l'indivisaire qui les accomplira devra tout de même informer celui ou ceux des indivisaires qui n'ont pas pris part à la décision, à défaut de quoi l'acte leur sera inopposable.

Enfin, s'agissant des "actes graves" que sont les actes de disposition, ils nécessitent naturellement l'accord de tous les indivisaires.

Il s'agit des actes qui ne relèvent pas de l'exploitation normale des biens indivis.

Concrètement, ces actes sont la vente de l'immeuble ou encore l'action en résolution d'une vente consentie par les indivisaires.

Attention, si un acte a été réalisé sans la majorité ou l'unanimité requise, il lie valablement l'indivisaire qui s'est engagé mais sera en principe inopposable aux coïndivisaires qui n'ont pas contracté.

Par exemple, la vente d'un immeuble indivis signée par un seul membre de l'indivision vaudra vente de sa seule quote-part indivise et les autres membres de l'indivision pourraient invoquer l'annulation de la vente sur le fondement de leur droit de préemption.

Comment sortir concrètement de l’indivision ?

Comme indiqué précédemment, l'indivision est une situation provisoire par nature : le droit au partage peut être invoqué en principe en toute circonstance (article 815 du Code civil) et est imprescriptible (Première chambre civile, 12 Décembre 2007, 06-20.830).

Dans les cas où un bien ne peut être partagé, ce qui est souvent le cas d’un bien immobilier, il est possible de décider à l'amiable de la vente du bien ou encore du rachat par l'autre indivisaire de sa quote-part.

A défaut d'accord amiable, il sera possible de recourir à la licitation c’est à dire la vente aux enchères du ou des biens indivis, qui peut simplement être amiable, ou alors être judiciaire.

C’est le partage amiable qui est envisagé en premier lieu : il permet d’éviter les contentieux et les désagréments qui peuvent les accompagner.

Toutefois, si plusieurs indivisaires ne trouvent un accord sur les modalités de partage, la licitation judiciaire permettra  de mettre fin aux désaccords et le tribunal ordonnera la vente par adjudication du bien immobilier.

Ce partage judiciaire intervient en cas d’échec du partage amiable.

Mais le recours au partage judiciaire n’est pas sans issue dans la mesure où les parties peuvent cesser la procédure judiciaire à n’importe quel moment.

Dans notre exemple, suite à de nombreux désaccords, le frère et la sœur ne veulent finalement plus être propriétaires indivisaires. Toutefois, le partage à l’amiable ne fonctionne pas car le frère souhaite vendre sa quote-part au premier tiers qui en aurait les moyens, mais sa soeur veut absolument la lui  malheureusement, aucune banque ne veut lui accorder un prêt car son taux d'endettement est trop haut à cause d’un premier prêt pour la première quote-part. Le frère pourra donc recourir à la licitation judiciaire si il souhaite accélérer les choses et enfin sortir de cette indivision.

Comment organiser une licitation judiciaire?

Tout d’abord, l’indivisaire souhaitant la licitation d’un bien indivis doit obtenir un jugement du Tribunal judiciaire compétent qui va ordonner la vente forcée.

La vente consiste alors en l’adjudication des biens, c’est à dire une vente aux enchères.

Le Code de procédure civile va déterminer les conditions de mise en oeuvre de la licitation : l’assignation pour le partage de l’indivision doit comporter les informations concernant la consistance du patrimoine à partager, les intentions du demandeur quant à la répartition des biens et les diligences faites en vue de la réalisation d'un partage amiable.

Ensuite, le tribunal ordonnant la vente sur licitation détermine la mise à prix des biens et les conditions essentielles de la vente.

Après cela sera désigné un avocat ou un notaire qui dresse le cahier des charges et les conditions de vente, qui sera ensuite déposé au greffe.

Durant la procédure d’adjudication, les droits de préemption et de substitution restent disponibles aux autres indivisaires.

Lorsque l’adjudication est terminée et que le délai de surenchère est écoulé, l’officier de vente aux enchères confie la somme au notaire qui la répartira entre les indivis en prenant compte les créances sur le bien en indivision.

Si vous avez des interrogations en lien avec l'article ou si vous souhaitez que Maître Louise BARGIBANT vous assiste et vous conseille dans un dossier : vous pouvez la contacter.

Article rédigé par Gabriel NICOLAS, stagiaire LBA Avocat.

Sous la direction de Maître Louise BARGIBANT

 

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 Copie de Droit de préemption 2

 

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