Le point sur la théorie des dommages intermédiaires en VEFA
Dans le cadre de l’édification d’un immeuble objet d’un contrat de vente en état futur d’achèvement (VEFA), il n’est pas rare que la responsabilité du promoteur soit recherchée du fait de désordres, malfaçons ou défauts de conformité.
Ces désordres peuvent intervenir tant au cours du déroulement du chantier qu’une fois ce dernier terminé et les travaux réceptionnés.
Si les désordres sont constatés postérieurement à la réception des travaux, la responsabilité du vendeur d’immeuble en état futur d’achèvement pourra alors être recherchée sur plusieurs fondements en considération du fait que ceux-ci aient pu ou pas faire l’objet de réserves au moment de la réception des travaux et de la nature des désordres relevés.
Dans l’hypothèse où les désordres en cause n’auraient pas fait l’objet de réserves au moment de la réception des travaux, c’est la nature de ces derniers qui déterminera le fondement sur lequel la responsabilité du constructeur pourra être engagée.
Aux côtés des garanties légales prévues par le Code civil que sont la garantie décennale et la garantie biennale de bon fonctionnement figure également une garantie d’origine jurisprudentielle obéissant à un régime spécifique : la théorie des dommages-intermédiaires.
Le point sur la théorie des dommages intermédiaires en VEFA.
Dans quels cas puis-je rechercher la responsabilité du promoteur sur le fondement de la théorie des dommages intermédiaires ?
La Cour de cassation a reconnu par un arrêt de principe (Cass. 3e Civ., 10 juillet 1978, n°77-12.595), l’existence des dommages intermédiaires.
Elle a créé un régime de responsabilité indépendant et complémentaire des régimes prévus par la loi (garantie décennale et garantie de bon fonctionnement) pour les dommages d’étant révélés postérieurement à la réception des travaux et qui n’ont pas fait l’objet de réserves de la part de l’acquéreur.
En effet, les régimes de la garantie décennale et de la garantie de bon fonctionnement étant d’ordre public, ils s’appliquent donc de manière systématique et exclusive dès lors que les conditions de leur mise en œuvre sont réunies.
La responsabilité du promoteur concernant un désordre de nature décennale devra donc nécessairement être recherchée sur le fondement de l’article 1792 du Code civil, tout comme elle sera recherchée sur le fondement de l’article 1792-3 pour un désordre relevant du fonctionnement des équipements de l’immeuble.
Concrètement, cela signifie que le cumul de ces régimes n’est pas possible.
En conséquence, la théorie des dommages intermédiaires n’a vocation à s’appliquer que dans les cas résiduels où les régimes de responsabilité prévus par la loi ne peuvent s’appliquer.
A titre d’illustration, les désordres suivants ont ainsi été reconnus par la jurisprudence comme constitutifs de dommages intermédiaires engageant la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur :
- Fissures inesthétiques affectant un carrelage
- Coulures d’un revêtement d’étanchéité
- Décollement du revêtement de bac acier
- Infiltrations mineures
Quel est le régime de responsabilité applicable aux dommages intermédiaires se produisant dans le cadre d’un contrat de VEFA ?
Dans le cas de la survenance de désordres pouvant être qualifiés de dommages intermédiaires, la responsabilité du promoteur pourra être recherchée sur le fondement de la théorie des vices intermédiaires.
La mise en œuvre de la responsabilité de droit commun du promoteur impose alors que l’acquéreur assume la charge de la preuve d’une faute personnellement imputable au vendeur de l’immeuble à construire.
Il s'agit en effet d'un régime de responsabilité "pour faute prouvée", faute qu'il n'est pas toujours évident d'établir dès lors que le promoteur ne s’immisce pas dans l’acte de constuire.
Concrètement, cela signifie que l’acquéreur malheureux devra apporter la preuve d'une faute contractuelle imputable au promoteur, qui lui cause un préjudice.
La faute pourra résulter d'un mauvais choix de matériau, d'une réception sans réserve par le promoteur etc.
Ce sera bien souvent l'expertise judiciaire qui pourra déterminer les désordres et le cas échéant la faute contractuelle.
Les dommages intermédiaires ne bénéficient donc pas de la présomption de responsabilité des garanties légales posées par les articles 1792 et suivants du Code Civil (pour ces garanties, il suffit de prouver l’existence du désordre, et il n'est pas nécessaire de rapporter la preuve d’une faute).
Dans quel délai agir dans le cadre de la responsabilité pour dommages intermédiaires ?
L’article 1792-4-3 dispose :
« En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux.”
Concrètement, cela signifie que dans le cadre d’un contrat de VEFA, l’acquéreur dispose d’un délai de dix ans pour introduire un recours contre le promoteur afin d’engager sa responsabilité sur des dommages intermédiaires.
La Cour de cassation a d’ailleurs pu préciser que le délai de l’article 1792-4-3 était non pas un délai de prescription mais un délai de forclusion, et qu’à ce titre, il ne pouvait être interrompu par la reconnaissance de responsabilité du constructeur.
Si vous envisagez d’engager la responsabilité de votre promoteur suite à la manifestation de désordres pouvant relever de la théorie des dommages intermédiaires et que vous souhaitez que Me Louise BARGIBANT vous conseille sur l’opportunité d’un recours et ses chances de succès, n'hésitez pas à la contacter.
Article rédigé par Maître Matthieu BOURDAIS, Avocat collaborateur
Cabinet LBA AVOCATS
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