Contrat : le coronavirus peut-il justifier la non-exécution de ses obligations contractuelles ?
Le contexte actuel de crise sanitaire avec l’épidémie du coronavirus (Covid-19) ayant conduit à la mise en place de mesures sans précédent amène à revenir sur la notion de force majeure intéressant, aujourd’hui plus encore, les acteurs économiques faisant face à la non-exécution de leurs obligations contractuelles ou de celles de leur cocontractant.
L’article 1351 du Code civil prévoit à ce titre :
« L'impossibilité d'exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence lorsqu'elle procède d'un cas de force majeure et qu'elle est définitive, à moins qu'il n'ait convenu de s'en charger ou qu'il ait été préalablement mis en demeure.»
Quelle est la portée de l’épidémie de coronavirus en matière contractuelle ? Peut-on invoquer le coronavirus comme un prétexte pour se dégager de ses obligations contractuelles ?
Ou au contraire, peut-on à juste titre invoquer la force majeure pour annuler un contrat qu’il est aujourd’hui impossible d’exécuter ?
En clair, dans ce contexte si particulier, les concontractants pourront-ils se libérer d’un contrat en invoquant la force majeure ?
L’objet de cet article est d’apporter des éléments de réponse à ces interrogations à travers un retour sur la notion de force majeure.
La force majeure dans le Code civil
L’épidémie de coronavirus pourrait être considérée comme un cas de force majeure qui empêcherait un cocontractant de remplir ses obligations contractuelles.
Mais pour cela, il conviendra de remplir des critères légaux précis si la force majeure n'a pas été aménagée contractuellement.
L’article 1218 du Code civil prévoit la force majeure :
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.
Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »
Le Code civil, via l’article 1218, a repris, avec la réforme du droit des obligations, les critères jurisprudentiels de la force majeure à savoir :
- un événement indépendant de la volonté de la partie qui ne peut plus exécuter ses obligations;
- un événement raisonnablement imprévisible lors de la conclusion du contrat ;
- un événement irrésistible c’est-à-dire inévitable dans sa survenance et insurmontable dans ses effets.
A noter que l’imprévisibilité de l’événement s’apprécie au jour de la conclusion du contrat. Aussi, si le contrat vient d’être signé, le critère de l’imprévisibilité sera plus délicat à démontrer dans la mesure où la question se posera : quel est le moment à partir duquel l'intervention du coronavirus sur le contrat aura pu être anticipée ? (dès le moment où l'épidémie a commencé en CHINE ? en EUROPE ? en FRANCE ?).
Quant à l'irrésistibilité, ce critère s’appréciera au cas par cas par rapport à l’objet du contrat et son lien avec le territoire affecté par l’épidémie.
Le débiteur de l’obligation devra en tout état de cause démontrer qu’il lui était impossible de mettre en œuvre des mesures appropriées permettant l’exécution de ses obligations et qu’existait un lien de causalité entre le coronavirus et l’impossibilité d’exécuter ses obligations.
La force majeure dans le contrat
Les parties à un contrat ne sont pas tenues par la définition du Code civil de la force majeure mais elles peuvent (et ont pu) l’aménager dans le contrat.
Que vous soyez créancier ou débiteur d’une obligation contractuelle, en cette période si particulière et en cas d’invocation de la force majeure par le débiteur ou de volonté de l’invoquer vous-même, vous devez avoir les réflexes suivants :
Tout d’abord, vous devez vérifier votre contrat afin de rechercher l’existence d’une clause de « force majeure ».
En effet, il faut savoir que les tribunaux reconnaissent ces clauses qui sont donc parfaitement licites.
Ainsi, les cocontractants peuvent tout à fait aménager, modifier la définition de la force majeure donnée à l’article 1218 du Code civil pour l’étendre ou même la restreindre voire la définir concrètement (par une liste limitative ou indicative des événements qui seront considérés comme de la « force majeure »).
Ensuite, si une telle liste existe, vous devez évaluer si le coronavirus ou les mesures qui en découlent peuvent être considéré comme répondant à la définition contractuelle de la force majeure.
Si tel est le cas, vous devez cerner les conditions de mise en œuvre de la clause de force majeure : envoi d’un courrier d’information dans un délai particulier par exemple.
Enfin, il conviendra de déterminer les conséquences contractuelles de la force majeure : va-t-il s’agit d’une simple suspension des obligations ou d’une résolution du contrat ?
En tout état de cause, il est primordial de contacter votre cocontractant pour l’informer voire envisager une discussion dans un tel contexte.
Une appréciation « au cas par cas »
Si le cocontractant d’une obligation ne peut plus l’exécuter et qu’il arrive à prouver l’ensemble des critères légaux ou contractuels, alors il aura des chances de succès si une action judiciaire visant à engager sa responsabilite contractuelle était engagée.
Néanmoins, ce sera du « cas par cas » et le Juge se livrera à une appréciation in concreto en fonction de la situation concrète rencontrée.
Il s’agira donc de la libre appréciation souveraine du Juge en fonction des éléments de preuve qui lui seront soumis.
Il convient de noter à ce titre que les juges français ont parfois été réticents à accepter de qualifier de « force majeure » certains événements tels la grippe H1N1, le virus de la dengue ou encore le virus du chikungunya.
Envisager les discussions, négociations
En cette période de crise où chacun doit être responsable, il est également important de réfléchir à toutes les options et notamment à celle de la discussion/ négociation.
En effet, pour le débiteur de l’obligation, il convient de noter que la force majeure ne devra pas être « prétextée » pour échapper à ses obligations.
Il doit faire preuve de bonne foi dans l’exécution (ou non) du contrat ou dans l’invocation de la force majeure au risque de voir rejetée en Justice son exonération par la force majeure.
Pour le créancier de l’obligation, il doit garder à l’esprit qu’au delà de la contestation de la force majeure invoquée par son cocontractant laquelle mènera très certainement à une action judiciaire, il peut également être envisagée une négociation.
Ainsi et à titre d’illustration, il peut être envisagé de négocier une reprise prioritaire de la relation contractuelle à la levée de la force majeure.
Pour l’ensemble des parties qui souhaitent éviter l’aléa judiciaire, cela peut aussi amener à la sauvegarde des relations commerciales pour le long terme.
En tout état de cause, n'hésitez pas à vérifier ou à faire vérifier votre contrat par un Avocat.
Vous avez des interrogations en lien avec mon article ou vous souhaitez que je vous conseille ou vous assiste dans un dossier : vous pouvez me contacter.
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