Abandon de chantier par l’entrepreneur : quels sont vos recours ?
Vous avez confié les travaux de réalisation de votre maison à un entrepreneur et celui-ci a déserté le chantier du jour au lendemain …
En effet, les travaux de votre maison ne sont pas terminés conformément au terme contractuellement convenu (dans le contrat, dans le devis ou dans le bon de commande signé) ou encore les travaux ne sont toujours pas terminés alors qu’aucun délai contractuel n’était prévu mais le délai semble anormalement long …
Vous n’êtes pas sans recours mais il faut agir en respectant des règles précises.
L’abandon de chantier ne doit pas être confondu avec la simple interruption temporaire de chantier.
En effet, il se distingue du simple arrêt temporaire de chantier et se caractérise par une interruption injustifiée et une durée anormalement longue des travaux.
Cet article vous expose les réflexes à avoir dans ce cas de figure.
La mise en demeure
Le premier réflexe à avoir est d’adresser une mise en demeure à l’entrepreneur de reprendre les travaux.
Cette mise en demeure doit être adressée par courrier recommandé avec accusé de réception et peut être rédigée par votre avocat afin d’avoir un effet plus comminatoire.
Ce courrier rappelle précisément la date de livraison définie contractuellement ou en cas d’absence de date de livraison définie au préalable, le délai raisonnable de livraison.
Par ce courrier, vous mettez l’entrepreneur face à ses obligations et vous lui rappelez qu’à défaut d’exécution sous quinzaine, vous ferez constater par Huissier l’abandon de chantier.
A noter que la mise en demeure peut également, avec l'article 1226 du Code civil, permettre de résoudre le contrat par voie de notification unilatérale à l'entrepreneur défaillant.
Dans ce cas de figure, il conviendra de bien rédiger la mise en demeure en mentionnant expressément qu'à défaut pour l'entrepreneur de reprendre les travaux dans les délais, le maître d'ouvrage sera en droit de résoudre unilatéralement le contrat (sans passer par la case judiciaire).
Attention toutefois, l'utilisation de l'article 1226 du Code civil se fait "aux risques et périls" du maître d'ouvrage et l'entrepreneur pourra contester la résiliation du contrat en Justice : il appartiendra alors au maître d'ouvrage de prouver "la gravité de l'inexécution".
Le constat d’Huissier d’abandon de chantier
A défaut de retour ou de retour satisfaisant à la mise en demeure, il convient de mandater un Huissier de Justice afin qu’il constate l’abandon de chantier.
L’Huissier de Justice dressera alors un procès-verbal de constat de l’état inachevé du chantier.
Afin de respecter le principe du contradictoire, l’Huissier convoquera l’entrepreneur sur le chantier.
Le procès-verbal de constat sera ensuite un élément fondamental dans le cadre d’une future action en Justice.
Les recours judiciaires
Si l’abandon de chantier est avéré, et que la qualité de créancier du maître d’ouvrage est établie (le maître d'ouvrage est celui qui a mandaté les travaux), celui-ci dispose de différents recours contre l’entrepreneur défaillant.
Il pourra s’agir d’un recours en référé (procédure assez rapide) :
- soit pour demander au juge d’ordonner à l’entreprise de finir les travaux sous astreinte (en sollicitant une astreinte dissuasive soit par exemple 150 euros par jour de retard) ;
- soit pour demander au juge de constater l’abandon de chantier et obtenir l’autorisation de faire faire les travaux par une autre entreprise aux frais de l’entrepreneur défaillant en sollicitant du juge des référés une provision correspondant au montant du devis de l’entreprise que vous souhaitez mandater pour reprendre et finaliser les travaux.
Il pourra également s’agir d’un recours au fond pour invoquer la responsabilité contractuelle de l’entreprise.
Dans ce cas, la procédure sera plus longue qu’une procédure en référé mais elle permettra de prétendre à la réparation intégrale du préjudice subi et donc à des dommages et intérêts, ce que ne permet pas la procédure de référé.
La différence essentielle entre une procédure de référé et une procédure au fond est qu’en référé, la décision n’a qu’une autorité provisoire.
Quid en cas de procédure collective de l’entreprise ?
Il arrive fréquemment que l’entreprise ayant déserté le chantier soit en redressement judiciaire ou même en liquidation judiciaire.
Vous pouvez vérifier l’existence d’une telle procédure collective en vous adressant au Tribunal de Commerce ou en consultant le site internet du BODACC.
Dès connaissance d’une procédure collective, il vous appartiendra de connaître le nom du mandataire ou liquidateur judiciaire (indiqué dans l’annonce BODACC) et il conviendra de lui écrire par courrier recommandé avec accusé de réception afin de l’interroger sur la situation.
Le mandataire ou liquidateur judiciaire a un mois pour vous répondre et en cas d’absence de réponse dans le délai du mois, son silence est considéré comme un refus de poursuivre le chantier et le contrat est résilié de plein droit. Il faudra alors déclarer votre créance.
A noter que si l'entreprise a déposé le bilan, il reste peut-être des recours à l'encontre des assurances : à l'encontre de l'assurance responsabilité décennale de l'entreprise (mais il faut une "réception" de l'ouvrage laquelle peut toutefois être "tacite" et il faut que les dommages ne soient pas "apparents"), à l'encontre de l'assurance responsabilité civile professionnelle de l'entreprise (il convient de vérifier la police d'assurance et la couverture de cette situation) ou encore à l'encontre d'une assurance facultative qu'aurait contractée l'entreprise (rare en pratique).
Quid en cas d’emprunt ?
Si vous avez emprunté auprès d’une Banque afin de financer vos travaux, il est possible de solliciter la suspension de l’exécution du contrat de prêt, au besoin en sollicitant l’intervention d’un juge.
En résumé, vous n’êtes pas sans recours mais il est recommandé de prendre certaines précautions avant de confier ses travaux à une entreprise.
Les précautions à prendre avant tous travaux
La première des précautions à prendre est de se renseigner sur la réputation de l’entreprise et surtout sur sa solidité financière (sur des sites tels que societe.com ou encore infogreffe.fr).
Il convient de plus de solliciter, avant l’ouverture du chantier, l’attestation d’assurance responsabilité décennale à l’entrepreneur. L'assurance de responsabilité civile décennale également appelée garantie décennale garantit la réparation des dommages qui se produisent après la réception des travaux (fin officielle du chantier), sans attendre une décision de justice.
La souscription par le maître d’ouvrage (par vous) d’une assurance « protection juridique » peut également être très utile pour la prise en charge de frais tels que les frais d’avocat en cas de futur recours judiciaire.
Egalement, l’assurance « dommages-ouvrage » est obligatoire (ce qu’on oublie trop souvent) pour le maître d’ouvrage et permettra une indemnisation nettement plus facile en cas de malfaçons ou d’abandon de chantier. Cette assurance permet de procéder aux remboursements ou à l'exécution des réparations couvertes par la garantie décennale, sans attendre une décision de justice statuant sur les responsabilités de chacun. Elle pourra même jouer avant la réception des travaux, pour couvrir des désordres de nature décennale lorsque, après mise en demeure infructueuse, le contrat de louage d’ouvrage conclu avec l’entrepreneur est résilié pour inexécution des obligations de ce dernier.
Enfin et surtout, anticiper en se renseignant auprès d’un avocat sur le contrat à régulariser avec l’entrepreneur au préalable est la meilleure des préventions car des contrats tels que les CCMI (contrat de construction de maison individuelle) sont des contrats très protecteurs et s’imposent d’ailleurs dans certaines conditions...
Vous avez des interrogations en lien avec mon article ou vous souhaitez que je vous conseille ou vous accompagne dans un dossier d'abandon de chantier : vous pouvez me contacter.
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