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SERVITUDE CONVENTIONNELLE, Comment la faire supprimer ?

Si le droit de propriété est un droit absolu, il peut toutefois être affecté d’une contrainte résultant de l’existence d’un droit de passage ou d’une servitude.

A ce titre, les conflits de voisinage sont fréquents car ils peuvent opposer des droits devenus antagonistes : votre droit de propriété et le droit légal ou conventionnel de votre voisin à une servitude.

Mais que recouvre la notion de servitude ?

Comment la faire supprimer ? Vous êtes propriétaire d’un bien immobilier affecté d’une servitude devenue trop contraignante et vous souhaitez la faire supprimer, quels sont les leviers envisageables ?

Vous bénéficiez d’une servitude et vous vous interrogez sur les causes d’extinction de ladite servitude ?

Le point avec cet article.

QU’EST-CE QU’UNE SERVITUDE ?

  • Définition d’une servitude

Selon l’article 637 du Code civil :  « Une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire. »

La servitude est donc définie comme une charge imposée sur une propriété (le fond servant) pour l’usage et l’utilité d’une autre (le fond dominant).

La servitude est alors un droit réel immobilier.

Elle constitue l’accessoire du fond sur lequel elle porte de sorte qu’elle ne peut être cédée, transmise, saisie ou hypothéquée indépendamment de celui-ci.

Il découle de cette définition que trois éléments doivent être réunies afin d’appliquer le régime de la servitude :

  1. L’existence d’au moins deux fonds appartenant à des propriétaires différents : le fonds servant et le fonds dominant,
  2. L’existence d’une charge imposée au fonds servant, c’est-à-dire une réduction des droits du propriétaire sur son bien afin d’accorder des prérogatives au propriétaire du fond dominant,
  3. L’existence d’une utilité réelle et non personnelle, c’est-à-dire pour le fond et non pour le propriétaire lui-même.
  • La servitude légale 

Il existe deux types de servitude : la servitude légale ou la servitude conventionnelle

Les servitudes légales sont celles qui sont visées par la loi ou le règlement, sans qu’elles ne soient prévues conventionnellement entre les parties.

Elles ne nécessitent pas obligatoirement d’être constatées dans un titre.

Elles sont au nombre de six :

  1. Les servitudes de passage : Il s’agit des servitudes les plus courantes dans les relations de voisinage ayant pour but de « désenclaver » un fond isolé et sans voies d’accès à la voie publique en lui octroyant une issue suffisante située sur le ou les fonds voisins.
  2. Les servitudes d’égout des toits : lorsqu’un fond dit « supérieur » se trouve au-dessus d’un autre dit « inférieur », les eaux ruisselant du toit sont déversées, soit sur son propre terrain, soit sur la voie publique moyennant les travaux nécessaires. Les eaux du toit ne peuvent s’écouler sur le toit voisin. Les eaux s’écouleront toutefois sur le fond inférieur lorsqu’il s’agit du résultat naturel de la configuration des lieux.
  3. Les servitudes de jours et de vues : Il est possible, lorsque deux fonds sont voisins l’un de l’autre, de venir créer des ouvertures sur le mur frontalier. Cette possibilité est encadrée par le régime de la servitude. Elle n’est pas permise en cas de mitoyenneté.
  4. Les servitudes de distances pour les plantations : La plantation des arbres et arbustes et réglementées afin d’assurer de bonnes relations de voisinage. Ainsi, des distances doivent être respectées entre les fonds voisins pour la plantation.
  5. Les servitudes de constructions : La loi réglemente les constructions en limite de terrain afin d’apaiser les relations de voisinage. Une liste d’ouvrages est prévue mais elle n’est pas exhaustive. Le propriétaire ne peut construire en limite de son fond qu’en respectant une distance réglementaire ou à entourer la construction afin d’éviter les nuisances de voisinage. 
  6. La servitude de surplomb : Depuis la loi Climat et Résilience, le Code de la construction et de l’habitation prévoit que le propriétaire d’un bien décidant de procéder à sa rénovation énergétique peut surplomber temporairement la propriété voisine lorsque ces travaux doivent être réalisés à l’extérieur.
  • La servitude conventionnelle

A côté des servitudes légales, il existe les servitudes constituées par les parties elles-mêmes.

Le principe étant celui de la liberté contractuelle, les propriétaires peuvent s’entendre conventionnellement afin de créer une servitude sur un fond en faveur de l’autre.

Les servitudes conventionnelles sont alors constatées dans un titre.

Elles peuvent être à titre gratuit, moyennant un partage des charges, ou onéreux.

Elles sont toutefois encadrées. La liberté contractuelle des propriétaires n’est pas totale, la jurisprudence rappelant notamment qu’« une servitude ne peut conférer le droit d’empiéter sur la propriété d’autrui » (Cass. 3e civ. 27 juin 2001, n°98-15216).

Les plus courantes sont notamment les servitudes conventionnelles de passage, constatées dans un acte notarié à l’occasion d’une division parcellaire.  

Les servitudes conventionnelles peuvent entrainer des difficultés, en particulier lorsqu’elles sont utilisées de manière abusive et font l’objet de dégradations par le bénéficiaire, ou lorsqu’elles ne sont plus utilisées et que le propriétaire du fond dominant refuse d’y renoncer.

QUELLES SONT LES CAUSES D’EXTINCTION D’UNE SERVITUDE ?

La loi prévoit plusieurs cas d’extinction d’une servitude :

  • La réunion de la propriété des fonds dominant et servant entre les mêmes mains
  • La renonciation conventionnelle
  • Le non usage pendant 30 ans
  • L’impossibilité d’user de la servitude et/ ou perte de la chose objet de la servitude

Toutefois, selon la jurisprudence, le fait que la servitude soit devenue inutile n’est pas une cause de son extinction sauf en ce qui concerne le désenclavement de la servitude de passage exclusivement légale.

La servitude de passage conventionnelle, bien que devenue inutile, ne peut en principe être supprimée sans le consentement de l’ensemble des parties concernées.

A ce titre, l'aggravation de la condition du fonds servant n'est pas une cause d'extinction d'une servitude conventionnelle (Cass. 3e civ., 7 nov. 1990, n° 88-14.886 ), pas plus que le non-respect des conditions d'exercice de la servitude (Cass. 3e civ., 10 mars 1999, n° 95-22.093) ou le non-usage trentenaire du passage lorsque l’enclavement du fonds est la cause déterminante de l’établissement de la servitude de passage dans l’acte de vente (Cass. 3e civ. 06 mai 2021 no 20-15.705).

QUELLES SOLUTIONS POUR FAIRE SUPPRIMER UNE SERVITUDE CONVENTIONNELLE ?

La solution la plus simple est de discuter avec le bénéficiaire de la servitude.

Vous pouvez lui expliquer les désagréments que vous cause le maintien du droit de passage, pourtant inutile ou inutilisé et lui proposer un cadre amiable pour envisager sa suppression.

En cas de refus, d’absence de réponse claire ou de défaut de retour, il sera opportun de vous faire assister d'un professionnel du droit pour établir pour étudier les leviers envisageables pour supprimer la servitude.

Il pourra être étudié la question à la lumière de l’abus de droit qui est le fait pour le titulaire d’un droit d’en abuser en le détournant de sa finalité ou en le mettant en œuvre dans le seul but de nuire à autrui (Cass., req., 3 août 1915, Coquerel c/ Clément-Bayard, n° 00-02.378).

Il est précisé à ce titre que lorsque la commission de la faute a pour conséquences de causer un dommage à autrui, la responsabilité délictuelle du commettant peut se trouver engagée (article 1240 Code civil).

La question sera également étudiée au regard des éventuels troubles anormaux du voisinage.

La théorie des troubles anormaux du voisinage permet d’engager la responsabilité objective et sans faute à prouver de son voisin lorsque celui-ci adopte un comportement constitutif d’un trouble anormal  du voisinage.

L’action aura pour but de réparer les conséquences du trouble passées et de le faire cesser pour l'avenir.

Ainsi, si l’usage ou le non-usage d’une servitude par le bénéficiaire vous cause un trouble anormal du voisinage, il serait possible d’en demander réparation, voire de faire supprimer le droit, selon le contexte du dossier.

Enfin, il sera analysé la possible requalification en servitude légale permettant dans certains cas de faire supprimer par un Juge la servitude conventionnelle en cas de désenclavement.

En effet, lorsque le titre comprenant la servitude conventionnelle ne vise que les modalités du droit de passage, la nature du droit demeure légale et l’extinction pour cause de désenclavement reste ouverte.

Un professionnel du droit pourra vous conseiller sur la nature de la servitude qui vous concerne, sur les possibilités d’action : il procèdera pas étapes en qualifiant la servitude litigieuse, identifiant les fondements applicables à sa suppression, et en engageant des démarches amiables ou le cas échéant judiciaires.

Si vous avez des questions ou un litige à ce sujet, Me Louise BARGIBANT se tient à votre disposition, n'hésitez pas à la contacter.

Article rédigé par Marie BEVE, stagiaire LBA AVOCATS

Sous la direction de Me Louise BARGIBANT           

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