Dissolution amiable et radiation d’une société : tout n’est pas terminé pour le créancier !
Il est fréquent qu’une personne (souvent un créancier) qui souhaite engager une action en Justice à l’encontre d’une société ait le malheur de découvrir que cette société est « radiée » du Registre du Commerce et des Sociétés.
Les profanes du droit auront alors tendance à lui indiquer que « c’est terminé, la société n’existe plus, on ne peut plus rien faire ! »…
Or, la réalité peut révéler des bonnes surprises …
Cela peut notamment être le cas lorsque la radiation d’une société n’est opérée que pour tromper les créanciers et pour organiser son insolvabilité.
A ce titre, il convient de se pencher sur le cas de la dissolution amiable d’une société par son gérant.
En effet, le gérant d’une société peut avoir la fausse bonne idée de « dissoudre » lui-même sa société afin d’échapper à ses créanciers.
Prenons l’exemple de l’associé unique d’une société qui décide de dissoudre sa société par déclaration au greffe du tribunal où la société est immatriculée.
Il s’agit a priori d’une formalité simple et il pourrait penser que la dissolution amiable de sa société le « libérerait » de ses créancier mais en réalité cette décision n’est pas sans conséquence.
Effets de la dissolution : la nécessaire liquidation de la société
Tout d’abord, l’associé unique personne physique doit procéder à la liquidation de sa société.
En effet, l’article L. 237-2 du Code de commerce prévoit que :
« La société est en liquidation dès l'instant de sa dissolution pour quelque cause que ce soit sauf dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article 1844-5 du code civil. Sa dénomination sociale est suivie de la mention "société en liquidation".
La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu'à la clôture de celle-ci.
La dissolution d'une société ne produit ses effets à l'égard des tiers qu'à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce et des sociétés. »
Concrètement, la liquidation est l'ensemble des opérations qui, après dissolution d'une société, ont pour objet la réalisation des éléments d'actif et le paiement des créanciers sociaux, en vue de procéder au partage entre les associés de l'actif subsistant.
La première conséquence est que la personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la clôture de celle-ci.
Ce maintien de la personnalité morale d'une société dissoute permet de sauvegarder les droits des créanciers pendant le temps que dure la liquidation.
Les obligations du liquidateur
La seconde conséquence est qu’un liquidateur amiable devra être désigné : pour l’associé unique personne physique, ce sera lui-même.
Un certain nombre d’obligations pèseront alors sur ce liquidateur à l’ouverture de la liquidation ou en cours de liquidation.
Il devra notamment dresser un inventaire des éléments de l'actif et du passif social.
Egalement, l'approbation des comptes de liquidation, le quitus au liquidateur et la constatation de la clôture de la liquidation devront faire l'objet d'une déclaration de l'associé unique soumise à publicité.
Surtout, il devra procéder aux opérations de liquidation de sa société.
La responsabilité civile du liquidateur
Il résulte de l’article L. 237-12 du Code de commerce que : « Le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions. »
Ainsi, les tiers pourront agir en responsabilité à l’encontre du liquidateur si celui-ci a commis une faute dans l’exercice de ses fonctions.
Tout d’abord, le liquidateur doit prévenir les créanciers des opérations de liquidation pour leur permettre de sauvegarder leurs droits.
Le liquidateur pourra également engager sa responsabilité envers un créancier lorsqu’il n’a pas mentionné sa créance dans les comptes de la liquidation.
En effet, lorsque les créanciers sont connus, le liquidateur commet une faute engageant sa responsabilité s'il ne mentionne pas la créance dans les comptes de liquidation.
Egalement, la jurisprudence considère que le liquidateur a commis une faute engageant sa responsabilité civile lorsqu’il n’a pas « provisionné » une créance litigieuse.
Les créances litigieuses doivent ainsi jusqu'au terme des procédures en cours être garanties par une provision, le liquidateur étant responsable lorsqu'il s'abstient de prévoir une telle provision.
Concrètement, en l'absence d'actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations éventuellement prononcées à l'encontre de la société, il appartient au liquidateur de différer la clôture de la liquidation et de solliciter, le cas échéant, l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de celle-ci.
Ainsi, un créancier pourra agir en responsabilité contre le liquidateur pour non-paiement de sa créance après la clôture de la liquidation.
L'action sera alors portée devant le tribunal de commerce tout comme l'action en responsabilité contre les dirigeants sociaux en cours de vie sociale.
Reste que le créancier devra agir assez rapidement, l’action en responsabilité du liquidateur se prescrivant par trois ans à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation…
Mais en tout état de cause, tout n’est pas terminé pour le créancier qui découvre que la société débitrice a été dissoute et radiée du Registre du Commerce et des Sociétés …
- Dernière mise à jour le .