Immobilier : vice caché, bonne foi du vendeur et clause d’exclusion de garantie
La vente immobilière opère transfert de la propriété et de ses accessoires à l'acquéreur.
Même si différentes dispositions juridiques imposent au vendeur un devoir général d’information sur le bien qu’il vend, il arrive que l’acquéreur soit confronté à des mauvaises surprises ensuite d’un achat immobilier.
La garantie des vices cachés que le Code civil fait peser sur le vendeur peut à ce titre être mise en œuvre sous certaines conditions lorsque l'acquéreur n'a pas été correctement informé par le vendeur.
Egalement, cette garantie peut être mise en œuvre lorsque le bien présente des vices « cachés » en ce sens qu’ils n’étaient pas apparents lors de l’achat.
La garantie légale des vices cachés est connue du grand public mais ses conditions de mise en oeuvre sont strictes et il convient d'en avoir connaissance avant toute action.
Rappel sur la garantie des vices cachés
Il résulte de l'article 1641 du Code civil que : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. »
Il s’agit de la garantie des vices cachés laquelle correspond à des conditions précises.
Il faut savoir que cette garantie des vices cachés ne s’applique pas à toutes les ventes immobilières (notamment les ventes faites par autorité de justice ou encore les ventes d’immeubles à construire soumises à un régime spécifique de garantie).
C’est le vendeur immédiat du bien immobilier qui est débiteur de la garantie des vices cachés et il appartient à l'acquéreur qui invoque la garantie des vices cachés de prouver l'existence du vice et que celui-ci remplit toutes les conditions requises pour la mise en œuvre de la garantie.
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Un vice « caché »
L'article 1642 précise que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même : il s’agit du caractère caché du vice (un vice ne sera pas « caché » s’il était apparent au moment de l’achat).
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Un vice antérieur à la vente
Par ailleurs, le vice caché ne peut être retenu que s'il existait antérieurement à la vente ce qui signifie qu’une fois la propriété transférée, l’acheteur devra supporter les risques consécutifs au transfert de propriété et notamment l’apparition d’un vice sur l’objet de la vente.
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Un vice inhérent à la chose et la rendant impropre à son usage
Enfin, le vice doit être inhérent au bien vendu et et le rendre impropre à son usage
A titre d’illustration, ont été qualifiés de vices cachés :
- une fissure dans le sol de la salle de séjour et une fente dans un mur extérieur dès lors que ces désordres ont une incidence sur la solidité de l'immeuble (Cass. 3e civ. 21 juillet 1998 n° 96-21.503)
- l'humidité anormalement élevée d'une maison, même si elle est due au délabrement de la maison mitoyenne (Cass. 3e civ. 10 mai 2007 n° 06-11.431).
En présence d'un vice caché, l'acheteur a intérêt à agir sur le fondement de la garantie des vices cachés à l’encontre du vendeur mais il convient qu’il remplisse bien les conditions de cette garantie et qu’il agisse dans un délai spécifique.
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Le délai pour agir
L'action en garantie des vices cachés doit être engagée par l'acquéreur dans les 2 ans de la découverte du vice.
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Le choix de l’acheteur
En cas de vice caché, l'acheteur peut soit rendre le bien et se faire restituer le prix, soit garder le bien et se faire rendre une partie du prix, arbitrée par expert (article 1644 du Code civil).
Lorsque le vice n’est pas assez grave pour justifier la résolution de la vente, l’acheteur ne pourra que solliciter une réduction du prix.
La clause limitative de la garantie des vices cachés
Il est possible de prévoir une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés et en pratique, l’acte de vente comporte presque systématiquement une telle clause.
L’article 1643 du code civil : « Le vendeur est tenu de la garantie des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie."
Cependant, l’efficacité d’une telle clause dépend, d'une part, de la bonne foi du vendeur et du respect par ce dernier de l'obligation de communication du dossier de diagnostic technique.
En effet, aux termes d'une jurisprudence constante, la clause limitant ou excluant la garantie des vices cachés est privée d'efficacité si le vendeur était de mauvaise foi lors de la vente, c'est-à-dire s'il connaissait les vices affectant le bien vendu.
Par ailleurs, la clause limitative ou exclusive de garantie ne peut pas être invoquée par un vendeur professionnel, celui-ci étant présumé de mauvaise foi
Mais qu’en est-il en cas de bonne foi du vendeur non-professionnel ?
Dans un arrêt récent, la Cour de cassation aborde la problématique dans une affaire où la question de la bonne foi des vendeurs était présente au débat (Cass. 3e civ., 5 juillet 2018, n° 17-18.279).
Quid de l’action en garantie des vices cachés contre un vendeur de bonne foi ?
Dans cette affaire, des acheteurs avaient régularisé le compromis de vente d’une maison pour la somme de 185 000 euros et la vente avait été confirmée devant notaire en juillet 2011 étant précisé que l’acte authentique comportait une clause de non-garantie des vices cachés.
En novembre 2011, des fissures apparaissent sur la façade ouest de la maison et l’eau s’infiltrait à l’intérieur.
S’en suivait une procédure de référé-expertise qui aboutissait à un rapport d’expertise lequel concluait que les fissures étaient dues à un champignon (mérule) et que ce mérule ne pouvait être apparu après la vente de la maison.
Selon l’expert, les vendeurs « ne pouvaient pas ignorer son existence » avant la vente de la maison. Ils avaient notamment rénové la salle de bain, et ravalé la façade ouest de la maison peu de temps avant la vente.
Selon les acheteurs, les vendeurs étaient nécessairement de mauvaise foi.
Suite à ce rapport, les acheteurs assignaient les vendeurs afin d’obtenir la résolution de la vente pour vice caché.
En réponse, les vendeurs opposaient la clause de non-garantie des vices cachés présente à l’acte authentique.
Cependant, le Tribunal considérait que « les vendeurs ne pouvaient ignorer l’existence du champignon, même s’ils pouvaient ignorer qu’il était à l’origine des fissures » et ordonnait la résolution de la vente et la restitution du prix en sus du paiement de dommages-intérêts.
Les vendeurs formaient alors appel et soutenaient qu’ils étaient de bonne foi.
La Cour d’appel leur donna raison et considérait que la mauvaise foi n’était pas démontrée.
L’affaire revient devant la Cour de cassation et la Haute Juridiction confirme :
« Mais attendu qu’ayant constaté que l’expert avait indiqué que la maison était affectée depuis plusieurs années d’un champignon principalement localisé dans la salle de bains, qu’il était dû à des travaux exécutés avant l’acquisition de l’immeuble par les vendeurs et qu’il n’était pas visible lors de la vente et souverainement retenu que les travaux d’embellissement dans la salle de bains et d’enduisage du mur côté ouest manifestaient tout au plus un souci légitime de présenter à la vente un bien rafraîchi ou restauré pour certains de ses éléments, que les vendeurs avaient remis les clés de la maison aux acquéreurs quelques jours après la signature de la promesse et plusieurs mois avant celle de l’acte authentique et que leur mauvaise foi n’était pas démontrée par les acquéreurs, la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et devant qui il n’était pas soutenu que les vendeurs devaient être assimilés à des vendeurs professionnels, a pu, sans dénaturation en déduire que la clause d’exclusion de garantie des vices cachés devait trouver application et a légalement justifié sa décision »
En clair, selon la Cour de cassation, les vendeurs étaient de bonne foi et il doit être fait application de la clause de non-garantie des vices cachés, la Cour de cassation confirmant donc la décision de la Cour d’appel de débouter les acheteurs de leur demande de résolution de la vente.
Quelques conseils avant tout achat
Pour éviter d’être confronté à ce type de problématique, il est essentiel pour le candidat à l’acquisition d’interroger de manière approfondie le vendeur sur le bien et son environnement.
Egalement, le candidat à l’acquisition devra inspecter le bien afin de bien connaître l’état du bien immobilier et a minima de déceler les vices apparents.
Le vendeur doit de son côté bien respecter son devoir d’information.
Si malheureusement, des vices cachés se révèlent ensuite de l’achat, il faudra agir rapidement et surtout se faire conseiller et assister par un avocat spécialisé en droit immobilier.
Maître BARGIBANT vous assiste et vous conseille lorsque vous êtes confronté à une problématique de vice caché.
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