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Concurrence déloyale : réagir au détournement de clientèle

En France, le commerce est régi par les principes de liberté du commerce et de l’industrie et de libre concurrence.

Dans notre économie moderne, la loi, favorable au « progrès économique », autorise toute entreprise à rechercher librement sa clientèle.

Mais le principe de libre concurrence n’autorise pas tout... et n’importe quoi.

Notamment, les entreprises ne sont pas autorisées à utiliser des procédés contraires aux usages loyaux du commerce pour nuire à un concurrent.

La réglementation de la libre concurrence permet ainsi de poser des limites à la libre concurrence.

Cette réglementation résulte de dispositions nationales ou communautaires (pratiques anticoncurrentielles) mais résulte surtout du droit commun par référence aux règles de la responsabilité civile.

A ce titre, le « détournement de clientèle » va relever des actes déloyaux constitutifs d’une faute sanctionnable au titre de la concurrence déloyale.

L’objectif de cet article est de revenir sur la notion de détournement de clientèle et de vous indiquer la marche à suivre si vous êtes victime d'un détournement de clientèle.

Le détournement de clientèle : c’est quoi ?

Le détournement de clientèle fait partie des "actes déloyaux" qui amènent à la désorganisation de l’entreprise concurrente.

Il s'agit d'une "captation" de la clientèle, d'un "vol" de client en utilisant des procédés déloyaux.

A noter que le démarchage de la clientèle d'un concurrent est par principe licite lorsqu’il n'est pas accompagné de procédés déloyaux.

Vous êtes une entreprise, vous suspectez un détournement de clientèle, il convient de vérifier que ce détournement entre bien dans la catégorie des actes déloyaux et peuvent permettre d’engager la responsabilité civile de leur auteur par la réunion de trois conditions :

-  l'auteur a commis une faute ;

-  la victime (votre entreprise) a subi un préjudice ;

-  il y a un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

La faute qui peut prendre différentes formes d’actes déloyaux doit entraîner un préjudice (baisse de chiffre d’affaires, perte de chance, atteinte à une image de marque etc).

Et concrètement ?

Le détournement de clientèle peut revêtir diverses formes dont les principales sont les suivantes :

  • démarchage de clients ;
  • détournement de fichiers ;
  • détournement de commandes ;
  • pratique du « couponnage croisé ».

Pour chacune de ces pratiques, vous devez vérifier qu’elle a été accompagnée de procédés déloyaux, ce qui permettra de mener une action en concurrence déloyale.

Il convient donc d’avoir des preuves étant rappelé que la preuve incombe à celui qui se prévaut de concurrence déloyale et l’appréciation se fera par le Juge au cas par cas.

S’agissant du démarchage de clients, il faut savoir que les Juges décident qu’il n’y a pas démarchage lorsque le déplacement de clientèle n'est pas la conséquence de manœuvres déloyales mais procède d'initiatives spontanées de cette clientèle (Cass. soc. 12-4-1995 n° 89-44.088).

Surtout, les Juges vont déterminer si ce démarchage est licite ou non.

A titre d’illustration, une société de location d'espaces publicitaires a démarché des bailleurs d'un concurrent en leur proposant un prix plus intéressant ainsi qu'un modèle de lettre de dénonciation du contrat conclu avec le concurrent : le Juge a considéré ce démarchage comme licite car il n’était pas accompagné de procédés contraires aux usages ou de manœuvres déloyales et qu’il n’était pas démontré que le prix proposé n’était pas celui du marché (CA Versailles 21-9-2000 : RJDA 4/01 n° 528).

Au contraire, a été jugé comme démarchage illicite la pratique du vendeur d’un salon de coiffure consistant à envoyer un message publicitaire au dos duquel figurait un plan détaillé et précis de l'itinéraire à suivre pour se rendre « au nouveau salon » qu'il avait créé : le Juge a considéré qu’il y avait intention délibérée de « détourner la clientèle » en semant la confusion dans l’esprit des clients (CA Paris 18-10-1994 n° 92-19219, 3e ch. A).

S’agissant du détournement de fichiers des clients, la clientèle n’étant pas la « propriété » de l’entreprise, le fait de « récupérer » un client d’un concurrent n’est pas nécessairement fautif et ne tombe pas nécessairement sous le coup de la concurrence déloyale.

Là encore il s’agira d’une appréciation au cas par cas par les Juges.

A titre d’illustration, un salarié d’une société d'administration de biens immobiliers qui, après avoir démissionné de celle-ci, a créé sa société dans le même domaine et s'est approprié une partie de la clientèle de son ancien employeur, conservant notamment un carnet d’adresses, n'a pas été considéré comme coupable d'actes de concurrence déloyale par détournement de clientèle puisque le Juge a estimé que le salarié assumant depuis dix ans la gestion de copropriétés, il connaissait à l'évidence les coordonnées des clients de sorte que les procédés déloyaux n’étaient pas prouvés (Cass. com. 30-1-2001 n° 98-20.621).

Au contraire, ont été considérés comme fautifs les anciens directeurs d'une société qui avaient créé une entreprise concurrente et ont emporté plusieurs centaines de fichiers relatifs à la stratégie commerciale de la société, à ses grilles de tarifs et à des notes internes « confidentielles » (Cass. com. 13-9-2017 n° 15-24.705).

Le détournement de clientèle : qui peut s’en rendre coupable ?

Peut se rendre coupable d’un détournement de clientèle toute personne physique ou morale qui commet des actes déloyaux en détournant une clientèle.

En pratique, l’acte déloyal est souvent commis par un salarié : les actes peuvent être commis durant le contrat de travail voire après la rupture du contrat de travail.

L’acte déloyal peut également être commis par une entreprise concurrente, un sous-traitant, le cédant d’une entreprise etc.

Que faire en cas de litige ?

Vous êtes une entreprise et vous avez relevé des actes de concurrence déloyale matérialisés par un détournement de clientèle, vous vous interrogez sur les solutions envisageables.

Dans un premier temps des démarches amiables peuvent être mises en oeuvre afin de trouver un arrangement amiable (notamment financier à hauteur de vos préjudices) avec l’auteur du détournement.

Vous pouvez également envisager une procédure de référé devant le tribunal (procédure assez rapide) si vous souhaitez faire cesser le plus rapidement possible les agissements fautifs (l’action en référé étant ouverte pour « prévenir un dommage imminent » ou « faire cesser un trouble manifestement illicite »).

Enfin, vous pouvez envisager de mettre en oeuvre une action en responsabilité (et donc en indemnisation) à l’encontre de l’auteur du détournement.

Cette action pourra vous permettre d'obtenir des dommages-intérêts qui peuvent parfois chiffrer si les préjudices sont importants...

Sachez également que cette action pourra également viser les coauteurs ainsi que les complices du détournement.

Par exemple, l'ancien employeur pourra agir en concurrence déloyale d'une part contre le nouvel employeur du salarié (cela se fera devant la juridiction commerciale) et d'autre part contre l'ancien salarié (devant cette fois la juridiction prud'homale si les actes ont été commis avant la rupture du contrat de travail ou après et qu’une clause de non-concurrence figurait à son contrat).

S'agissant du délai de l’action, l'action en concurrence déloyale doit être exercée dans un délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

En tout état de cause, victimes de concurrence déloyale, il faut agir et n’hésitez pas à rassembler des preuves et à vous faire accompagner par un avocat expert en la matière.

Je me tiens à votre disposition pour des démarches qu’elles soient amiables (notamment par courrier de mise en demeure d’avocat) ou judiciaires (que ce soit pour saisir le Juge des référés ou le Juge du fond) alors si vous avez une problématique de concurrence déloyale, vous pouvez me contacter.

 

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